Nom : Émilie Martinak
Titre : Migration de retour : mémoire et réorganisation communale féminine post-conflit, le cas de Cayara, Pérou
Mots-clés : Pérou, Ayacucho, Cayara, violence politique, Sentier Lumineux, migration de retour, Commission de la vérité et de réconciliation, Lois de Réparation, mémoire collective, mémoire féminine, reconnaissance, organisation communale, espace social
Le Pérou a sombré pendant 20 ans dans un climat de violence politique, opposant des groupes subversifs, comme le Sentier Lumineux (groupe subversif le plus important), à l'armée péruvienne. La majorité des victimes étaient des paysans andins de langue quechua. Poussés à fuir pour ne pas mourir, ils ont dû abandonner leurs terres. La région d'Ayacucho a connu un dépeuplement massif et total de certains villages dû à une vague de déplacements forcés. Quelques années après l'arrestation du leader maoïste Abimael Guzman, de la fuite du président Fujiimori, et de la cessation du conflit, une commission d'enquête (Commission de la vérité et de la réconciliation CVR) a permis d'éclairer les faits de ces 20 dernières années, et a encouragé la population déplacée à regagner leur terre, et ce, à l'aide d'une loi sur le repeuplement.
Le conflit armé ainsi que les migrations de retour ont généré une toute nouvelle dynamique dans les communautés andines. Tout d'abord, le rôle des femmes a changé. Elles ont dû assumer de nouvelles responsabilités pendant le conflit, ce qui les a amenées à bouleverser l'organisation communale. En plus de leur rôle de mère et de femme, un nouveau rôle leur a été attribué, celui de l'homme, qui dans la plupart des cas avait disparu, était mort, ou avait fui. Elles ont donc dû redéfinir leur rôle au sein des familles, de la production et de la communauté. Ainsi, le rôle des genres a été inversé. Leur nouveau rôle les a amenées à construire un nouvel espace social, avec la création notamment d'organisations populaires et communautaires. Les migrations de retour ainsi que la CVR, ont engendré la création d'une mémoire collective à travers la reconstruction et les revendications de la population victime.
J'examine la place de la mémoire dans le processus post-conflit de la communauté de Cayara, région d'Ayacucho. Nous verrons que nous sommes face à une spécialisation de la mémoire. La mémoire collective qui suit le conflit peut être vue comme étant une mémoire féminine. Les femmes jouent un rôle, tant dans la réorganisation de la communauté que dans la perception qu'elles en ont. La mémoire est détenue, incorporée et transmise par celles-ci. J'analyse donc la reconstruction de la communauté de Cayara, à travers le nouvel espace social communal qui s'est établi suite au conflit armé, et ce, principalement grâce aux rôles que les femmes ont joués. Les migrations de retour ont participé à engendrer une nouvelle dynamique. Je souhaite déterminer les motivations de retour ainsi que leurs conséquences sur la communauté. Le retour, tout comme les commissions d'enquête, participent à la création d'une mémoire collective. Le processus de mémoire dans les conditions post-conflit au Pérou, s'avère être un processus clé pour la reconnaissance et la réintégration sociale des victimes. Je souhaite démontrer que nous assistons au Pérou à une spécialisation de celle-ci, en montrant que la mémoire qui réorganise les communautés et qui est utilisée pour les revendications est principalement féminine.
Courriel: emilie_mk@yahoo.fr
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