Nom : Henry Salgado

Titre : Paysannerie de l'Amazonie colombienne : Identité, mobilisation sociale et perspectives de développement. Le cas du département du Guaviare.

Mots-clés : région amazonienne, Guaviare, paysannerie, colonisation, mobilisation sociale, identité politique.

Pour poursuivre avec mes recherches de la région amazonienne colombienne, je me suis proposé d'élaborer, dans le cadre de ma dissertation doctorale, une analyse des processus de construction d'identité sociale et de politique de la paysannerie amazonienne, de ses collectifs imaginaires de région et de territoire, et de ses propositions de développement. Ce projet comporte les objectifs suivants : 1) analyser les principales stratégies socio-organisationnelles élaborées par les paysans du Guaviare; 2) analyser leurs formes de participation politique aux niveaux local, régional et national, et de leur collectif imaginaire face aux institutions de l'État; 3) examiner leurs principales mobilisations sociales et leurs demandes sociales, économiques et politiques; 4) étudier leurs différentes propositions de développement élaborées et la manière dont ils ont reconfiguré et réinterprété les propositions de développement qui sont arrivées à la région amazonienne occidentale sur initiative de secteurs étatiques et privés.

Puisque ma recherche se concentre sur l'Amazonie, il importe de souligner (comme partie de l'objectif théorique de mon travail), que l'espace amazonien a besoin d'être pensé comme un produit social qui condense, exprime et crée de nouvelles relations sociales. Comme produit de l'action humaine, cet espace ne peut pas être conçu comme une région indépendante. Au contraire, c'est l'expression du type de relation que chacun des pays amazoniens, comme des puissants agents organisateurs de cet espace, a instaurée avec cette région. En conséquence, les espaces sociaux qui tirent leur origine récente dans le bassin amazonien ne peuvent être analysés comme les espaces sociaux qui ont une évolution indépendante et sans relation avec les sociétés nationales.

Pour aborder anthropologiquement et sociologiquement les problèmes socio-économiques et politiques qu'affrontent les populations paysannes de l'Amazonie, il est alors nécessaire de comprendre que ce sont l'expression et le résultat du modèle de développement agraire. Dans le cas colombien, ce modèle se caractérise, en premier lieu, par la concentration de grandes unités de production pour un nombre réduit de propriétaires; deuxièmement, par l'expulsion de façon permanente de grands contingents de paysans vers les grandes villes dans des conditions de haute marginalité socio-économique ou vers des zones de colonisation placées en dehors de la frontière agraire active; et, finalement, par l'application de façon progressive, spécialement au cours de la décennie 1990, de l'ouverture économique qui s'est concentrée sur la modification des prix relatifs à travers la baisse des tarifs, qui a donné une plus grande liberté au mouvement de capitaux et qui a redéfini le rôle de l'État pour octroyer un plus grand jeu aux forces du marché dans l'attribution des recours, rendant gravement vulnérable le secteur rural et, de manière plus spécifique, la paysannerie. Il est important de préciser que l'incorporation des chiffres de déplacement interne forcé comme partie intégrante du modèle de développement agraire repose sur le fait que je considère que la guerre en Colombie existe principalement pour rassembler la terre, pour contrôler des populations, déterritorialiser des gens et créer des déplacés (une grande armée de réserve).

Les paysans qui sont arrivés dans la région amazonienne colombienne à partir des années 1950 sont des personnes qui ont été expulsées de leurs lieux d'origine et qui ont tenté de reproduire dans ces forêts les pratiques sociales et productives apprises chez eux. Or, ils firent face à plus d'obstacles que de possibilités de s'établir et de s'intégrer au marché et à la société nationale. Inscrits dans un cadre de reproduction de la pauvreté et dans la lutte par leur dignité humaine et leur survie, les paysans ont adopté la production de marijuana ainsi que de la coca au cours des années 1970 et au debout des années 1980. Autrement dit, l'implication des paysans dans la culture d'usage illicite constitue une stratégie pour obtenir une subsistance stable et pour manifester leur non-conformisme face à la perte progressive de leurs droits les plus fondamentaux, parmi lesquels se trouve le droit à la terre, ce qui en des termes conceptuels constitue l'économie morale de la paysannerie amazonienne. Par ailleurs, il est important de mentionner que la culture de feuilles de coca (cocalisation de l'agro) dans l'Amazonie occidentale a servi de mécanisme clé pour la mobilisation sociale de la paysannerie, leur constitution d'identités collectives, leur reconfiguration et redéfinition du discours du développement, et leur reconnaissance d'eux-mêmes comme sujets avec des droits, mais la région a aussi été transformée en une zone contestée par les acteurs armés (FARC, des organismes paramilitaires et narcotrafiquants) et en une zone significativement plus affectée par les migrations forcées et les violations des droits humains et du droit international humanitaire.

Photos du projet

Bourses : Bourse du département d'anthropologie de l'Université de Montréal - Bourse de doctorat du programme de bourses d'études supérieures du Canada Joseph-Armand-Bombardier – CRSH - Bourse de fin d'études doctorales – attribuée par la Faculté des études supérieures et postdoctorales de l'Université de Montréal

Courriel: salgado.henry@gmail.com

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